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Bullshit jobs et crise de sens : « On est combien à ne pas faire grand-chose de nos journées, planqués derrière un écran ? »

Pause Café

Je m’appelle Emilie, j’ai 30 ans, je travaille en région parisienne dans le webmarketing.
(Mon job est d’aider mon entreprise à vendre ses produits en utilisant tous les leviers qu’internet met à notre disposition : les publicités, la création de contenus, les réseaux sociaux, les partenariats…). Mes collègues sont sympas, mon travail est confortable et je gagne bien ma vie.
Pourtant j’ai une crise de sens qui est en train de me grignoter le bide depuis plusieurs mois. 

« Si demain mon job disparait, la terre tourne quand même. »

Parfois en soirée je me retrouve avec des gens qui ont des « vrais » métiers (que ce soit kinésithérapeute ou plombier) et je redoute le moment où il vont me demander ce que je fais dans la vie parce qu’on saura tous les deux que mon métier est bullshit. Je brasse de l’air. Pendant qu’eux ont un métier qui sert à quelque chose, qui aide les gens, moi je ne sers à rien. Si demain mon job disparait, la terre tourne quand même. Elle tournerait peut-être mieux.

Je suis hyper consciente de faire un job qui ne sert à rien et en même temps, je ne me sens ni la force, ni le courage de changer de voie et de me reconvertir. J’ai pris du temps pour réfléchir à cette situation : « j’ai fait 5 années d’étude, j’ai bossé dans plusieurs entreprises de secteurs différents, j’estime être relativement polyvalente même si je n’ai pas de compétences en particulier ou du moins rien de technique, rien qu’une personne ne puisse pas apprendre en quelques. Alors pourquoi l’idée de me reconvertir vers un métier qui a du sens me semble si inatteignable ? »

Pourquoi ? Parce que ça fait quelques années maintenant que mon cerveau a appris qu’on pouvait gagner très bien sa vie (mon salaire et celui de mes amis qui bossent dans le même milieu que moi oscille entre 38 et 60K€/an) sans se tuer à la tache. A partir de là, est ce que je me vois reprendre des études d’institutrice ou d’infirmière pour me retrouver dans un job plein de contraintes et limité niveau salaire ? Non. C’est con, ce sont des métiers qui ont du sens pourtant. Mais j’ai été trop pourrie-gâtée professionnellement ces dernières années, ma vision de la variable pénibilité/rémunération est complètement faussée. Est ce que c’est une question d’estime de soi ? Est ce que j’ai inconsciemment l’impression de valoir plus, mieux que d’autres… Je ne sais pas… Peut-être…

« On est combien à ne pas faire grand-chose de nos journées, planqués derrière un écran ? »

Le sujet des « bullshit jobs » a pas mal fait parler de lui ces derniers mois et j’ai lu tout ce que je pouvais trouver sur le sujet. Ca me faisait du bien. Déjà parce que j’avais l’impression de ne pas être la seule à traverser cette crise de sens et aussi parce que certains articles expliquaient concrètement pourquoi et comment on en est arrivés là (là = payer 50K€ par an des personnes qui postent des trucs sur les réseaux sociaux toute la journée alors que le personnel soignant est à l’agonie par exemple).

C’est vrai ça, la technologie était censée réduire la bureaucratie et l’administratif. Et pourtant le contraire s’est produit.
On est combien à ne pas faire grand-chose de nos journées, planqués derrière un écran ? A amener des gens à acheter des trucs dont ils n’ont pas besoin ? A faire du présentéisme pour donner l’impression à un quelconque « n+1 » qu’il est important (parce que plus son équipe est grosse, plus il « pèse » dans la hiérarchie) ? A faire des réunions parce que ça donne l’impression de justifier un petit plus son salaire ? A se laisser bouffer par des questions existentielles parce qu’au final, ont quasiment que ça à penser chaque jour…

« Je me sens faible de ne pas prendre le risque de tout envoyer valser. »

« Est ce que mon métier m’épanouit ? Est ce que ce que je produis apporte du bonheur ou de l’aide aux gens ? »
« Est ce qu’un enfant comprendrait mon métier ? Est ce que mon grand-père comprendrait mon métier ? »

« Si je n’avais pas besoin d’aller travailler, est ce que j’irais quand même ? »

Je crois que oui. Les membres de la tribu des Cherokee reçoivent un chèque tous les 6 mois (leur revenu universel à eux… issu de la redistribution des profits des Casinos que la tribu possède). 12000 dollars par an (=20% du salaire moyen aux US). Comme si en France, nous touchions 574 euros par mois. Ca ne veut pas dire, ne pas travailler, ça veut plutôt dire, ne pas être enchainé à son job et même mieux : avoir le choix. Le choix d’investir et de s’investir dans quelques années d’études (ou pas), de monter une entreprise (ou pas), ou de s’adonner à un loisir payant qui aurait été inaccessible avec un salaire seulement…
Cette somme leur offre le temps de se trouver… « Qu’est ce que j’ai envie de faire de ma vie ? Est ce que j’ai envie de voyager ? De prendre soin des gens ? De résoudre des énigmes ? De transmettre aux plus jeunes… ». Quel luxe ! On rêverait d’avoir ça ici, non ? Et en même temps, est-ce que ce n’est pas une autre forme de dépendance. De la même manière que l’on dépend de ses parents lorsqu’on est jeune, on dépend ici de sa tribu ou de son pays. Ce que l’on gagne en « confort » on le perd en liberté… il n’y a peut-être pas de scénario parfait après tout…

Voilà où j’en suis. Coincée dans un situation qui ne me convient pas. Et avec ce sentiment de culpabilité qui s’ajoute par dessus les doutes. Je me sens ingrate de penser comme ça. Et je me sens faible de ne pas prendre le risque de tout envoyer valser.

Je pense que le déclic viendra. Qu’à force de rencontrer des personnes radieuses parce que fières d’avoir su s’écouter et se lancer dans un nouveau métier, moi aussi je sauterai le pas.

Un grand merci !

Merci à Emilie pour son témoignage précieux. Si vous souhaitez également témoigner sur les thématiques du travail, de l’orientation et de la reconversion professionnelle ou encore nous faire découvrir votre métier et votre quotidien, envoyez-nous un petit message par ici.
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Commentaires

2 Commentaires

  1. marguerite

    mais il faut dire aussi que la satisfaction au travail est fonction de nombreux facteurs sur lesquels la gestion des ressources humaines peut agir : La multitude d’expérimentations et de pratiques empiriques en entreprise, s’accordent pour conclure que la satisfaction au travail est basée sur toute une série de conditions de travail favorables.

    Réponse
  2. Julie

    Mon dieu c’est exactement le sentiment que je ressens aujourd’hui. J’aurais pu écrire mot pour mot la même chose 😱
    Le déclic viendra 💪🏻

    Réponse

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